dimanche 7 août 2016

TDM 07 French Polynesia - La loi de Mo'orea (1/4)


Cocotier, eau turquoise, sable blanc, et si nous faisions dans les clichés pour parler de notre escale Polynésienne ? Pas tellement finalement, car ce décor idyllique est une réalité quand on découvre la Polynésie Française de plus près. Nous avons posé notre sac à dos dans cet autre paradis sur terre francophone au début du mois de janvier pour une douzaine de jours, le temps de visiter les îles les plus connues de ce grand territoire éparpillé au fin fond de l’océan Pacifique. Découvrez à travers une série de 4 posts, nos aventures polynésiennes, commencées sur l’île de Mo'orea.



On connaît bien sûr la vanille de Tahiti, mais savez-vous que de nombreuses personnalités viennent aussi du bout du bout du monde ? C'est le cas du tennisman français Fabrice Santoro et de l'ancienne Miss France Mareva Galanter par exemple, mais aussi de Marama Vahirua, un ex-pensionnaire de Ligue 1 passé par le FC Nantes, qui célébrait chacun de ses buts par de vigoureux coups de pagaie.


La Polynésie Française, qu'est-ce donc ? Il s'agit d'une COM, une Collectivité d'Outre-Mer, rattachée à la France et composée de 5 archipels de 118 îles. Le chef-lieu est Papeete (prononcez Pa-péhé-té) sur l’île de Tahiti, et la population est de l'ordre de 285,000 habitants, éparpillés sur un territoire presque aussi grand que l'Europe. Comme en Nouvelle-Calédonie et à Wallis & Futuna, on utilise le Franc Pacifique comme monnaie, et non l'Euro ou les coquillages.


Avec une carte, on se rend tout de suite mieux compte de l’étendue de la Polynésie Française, couvrant une superficie émergée de 4.200 km² dispersée sur 2 500 000 km². Elle se compose de 5 archipels : 
(1) L'archipel de la Société, composé de 14 îles avec les îles du Vent (Tahiti, Moorea, Tetiaroa, Mehetia et Maiao) et les îles Sous-le-Vent (Bora-Bora, Huahine, Maupiti, Raiatea, Tahaa, Manuae, Maupihaa, Motu One et Tupai). C'est James Cook qui, en 1769, explore Tahiti et les îles alentour, et baptise l'ensemble « Archipel de la Société », en hommage à la Société Royale de Londres, qui avait financé son expédition. Les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent regroupent plus des trois quarts des habitants et des activités de la Polynésie française.
(2) L'archipel des Tuamotu, composé de 76 atolls dont les plus connus sont Rangiroa, Manihi et Fakarava. Il dépend administrativement de la subdivision Tuamotu-Gambier. Tuamotu signifie en tahitien « les îles au large », l'archipel se trouvant à l'Est de Tahiti. Les habitants des Tuamotu sont les Paumotu, mot qui désigne également leur langue.
(3) L'archipel des Gambier, composé de 6 îles principales, et d'une vingtaine d'autres îlots et motus. Ces îles constituent les zones de peuplement les plus orientales de la Polynésie française, situées à 1,700 km à l'Est de Tahiti.
(4) L'archipel des Australe, d'une superficie totale d'environ 152 km² situé dans la partie la plus méridionale de la Polynésie française dans l'océan Pacifique. L'archipel est composé de 7 îles et est distant de 600 et 1,300 km au sud-est de Tahiti. Il est parfois nommé îles Tubuai du nom de son île la plus étendue.
(5) Et l'archipel des Marquises, Fenua Enata1 en marquisien, soit la « Terre des hommes », composé de d'une douzaine d'îles. D'une superficie totale de 997 km², elles sont parmi les archipels les plus étendus de la Polynésie française.  Elles se situent entre 600 et 1,000 km de l'équateur à environ 1,600 km de Tahiti.
Compte tenu des contraintes de temps - 12 jours seulement, en raison du peu de vols entre la NC et la PF puis entre la PF et l’île de Pâques - et d'argent (nous souhaitions aller dans les Tuamotu, mais le prix des billets était le double), nous sommes restés dans les îles de la Société  pour faire une boucle classique : Tahiti+Mo'orea - Raiatea+Tahaa - Bora Bora.


Pour mieux comprendre le fonctionnement de la Polynésie Française, on peut se pencher sur celui de sa politique, généralement bon indicateur de la santé des lieux. Et en Polynésie Française, on peut raisonnablement dire que la politique, c'est Dallas : du copinage, des trahisons, des retournements de situation, et beaucoup de détournement d'argent. Un petit peu à l'image de la politique française, mais en encore plus loin de tout contrôle, et donc encore bien pire. Cette frise réalisée par mes soins, montre les différents dirigeants depuis 1984. Le statut de 1977 accorde au territoire l'autonomie de gestion ; à la suite des nouvelles lois Defferre de 1982, il est modifié en 1984 et on peut dès lors parler d'autonomie interne. C'est en particulier le moment où le Conseil de gouvernement, formé de conseillers, devient un gouvernement formé de ministres, dont le principal porte le titre de président du gouvernement de la Polynésie française, de 1984 à 2004, puis de Président de la Polynésie Française à compter de cette date. Après un règne de près de 13 ans de Gaston Flosse, le Balkani du Pacifique, pas moins de 11 mandats de président se sont succédé en moins de 7 ans. Une autre figure de la politique locale est l’indépendantiste Oscar Temaru, qui a notamment occupé le poste à 5 reprises pendant cette période tumultueuse. A noter qu'en fin de règne, Gaston Flosse s'est fait destitué, ce qui a donné lieu à la nomination de Nuihou Laurey comme président intérimaire, pendant... 7 jours. Mis en cause dans plusieurs affaires, Gaston Flosse, grand ami de Jacques Chirac, a longtemps bénéficié de non-lieux. Alors qu'il a été radié des listes électorales à la veille des élections de mai 2001, la Cour de cassation, réunie en urgence, lui rétablit ses droits. Puis, en juin 2001, il est également relaxé en appel du délit de « corruption passive ». En novembre 2002, il est, encore une fois, amnistié, dans une affaire de déclaration de patrimoine dans laquelle il était poursuivi pour « faux et usage de faux ». Mais à la fin de l'année 2009, sa situation juridique devient plus compliquée : privé de son immunité parlementaire, il est à deux reprises placé en détention provisoire à la prison de Nuutania. Il parvient néanmoins à faire annuler ses peines d'inéligibilité et à conserver ses mandats jusqu'en septembre 2014. Pour le reste, de nombreuses casseroles restent solidement attachées à son nom, comme celle de l'achat de l'atoll Anuanuraro (acheté avec de l'argent public à son puissant ami Robert Wan, le roi de la perle noire, à un prix 6 fois supérieur à son estimation), l'affaire des sushis (24,000 euros de frais de bouche pour une réception), l'affaire du SED (Service d'études et de documentation, une affaire d'espionnage), l'affaire de l'annuaire de l'OPT, des emplois fictifs (tiens tiens), de l'Hôtel de Reginald Flosse (hôtel de son fils, fermé en 1998, et ayant failli être racheté en 2000 sur des deniers publics pour 16 millions d'euros), bref le passif de Gaston Lagaffe-Flosse est lourd comme des bouteilles de butane. Dernière gaffe pour laquelle il vient de se faire épingler : un détournement de fonds publics dans l'affaire de la vaisselle de la présidence. La luxueuse vaisselle de la présidence aurait été emportée à son domicile personnel par sa compagne après la perte de ses mandats en 2014. Pas de quoi en faire un plat pour un service en porcelaine, cependant la porcelaine en question est estimée à 50,000 euros. Du grand Gaston je vous dis !


Après une première nuit passée sur Papeete, nous avons rejoint l’île voisine, Mo'orea via un énorme ferry. Manque de chance, le temps était maussade, et les dieux devaient être fâchés car il pleuvait beaucoup. Un paradis par temps de pluie, cela peut vite se transformer en enfer vert. Voici la vue depuis le Belvédère du Mont Tohivea, que nous avons exploré lors de notre tour de l’île en scooter. Sur la gauche, vous pouvez voir la baie d'Ōpūnohu et sur la droite, la baie de Cook.


Beaucoup de gallinacées sauvages se baladaient, dont des coqs fiers mais peureux, et des poules conquises par leurs chants polynésiens.


Dans le même coin de l’île se trouvait le lycée agricole de Moorea, l'une des top 5 attractions. Youhou !


Vu qu'il pleuvait toujours, nous nous sommes promenés dans l'exploitation agricole, à la découverte de mets locaux, comme le corossol et les papayes. Des fruits que nous avions parfois l'occasion de voir dans nos rayons de supermarchés singapouriens (comme la papaye), mais rarement sur leurs arbres d'origine.


Comme cet avocatier que nous découvrions avec des yeux ébahis. Comment un arbre pouvait-il porter autant de fruits, et surtout comment ce fruit pouvait-il être aussi cher malgré une telle production ? Des questions qui restent en suspend, mais nous reverrons l'avocat dans les bonus.


Voilà l'arbre qui donne le pomélo, ou Citrus Maxima dans la langue de Jules César, cet espèce de gros pamplemousse vert pâle. Idem, il s'agissait là de notre première fois devant cet arbre.


Non, ce ne sont pas des poireaux qui poussent ainsi mais des ananas. L'ananas est une plante xérophyte (plante vivant en milieu aride, capable de résister à de grands déficits d’eau), originaire d’Amérique du Sud, d'Amérique centrale, et des Caraïbes. Il est connu principalement pour son fruit comestible, qui est en réalité une infrutescence*. Le mot ananas vient du tupi-guarani naná naná, qui signifie « parfum des parfums ».


Autre curiosité, le jaquier (jackfruit en anglais), ce fruit orange un peu caoutchouteux dont je vous avais parlé il y a fort longtemps dans la série feel fruit to taste.

  

Par chance, cet immense jardin ne possédait pas seulement des fruits ou des légumes, mais aussi de ravissantes fleurs comme ces nombreux hibiscus aux nuances toutes différentes les unes des autres. Tiens, un hibiscus bi-goût !


Intéressons-nous à présent à la rose de porcelaine, Etlingera elatior de son petit nom scientifique. Voici une plante qui a bien voyagé avant d'arriver ici, puisqu'elle est originaire de Malaisie. Cette somptueuse plante semble sortir tout droit d'une autre dimension, tant sa vive couleur vous saisie l’œil. Vous ne la trouverez pas sous le même nom dans les autres langues, étant appelée ginger torch dans les pays anglo-saxons et bastón de emperador (bâton de l'empereur) dans les pays hispanophones.


Le lendemain, le soleil perçait les nuages par intermittence et nous en avons profité pour parfaire notre exploration de l’île et de ses fonds marins. La maison que nous louions avait une jolie vue sur le lagon, ce qui nous permettait de faire un point météo régulier.


Direction le lagoonarium de Moorea, sur le Motu Ahi, à quelques longueurs de l’île principale avec des bungalows, du sable fin et surtout, beaucoup, beaucoup de poissons.


En fonction des marées, le courant dans le lagon peut-être assez fort, voir complètement épuisant pour les nageurs bipèdes comme nous. Heureusement, des lignes de bouées étaient installées pour les nageurs qui pouvaient ainsi explorer le lagon en toute sécurité en faisant une grande boucle jusqu’à la barrière du corail (flèches non contractuelles).


A peine nous avions la tête dans l'eau que... PAF ! Les requins apparurent de tous les côtés. Pas les grosses bêtes mangeuses d'homme, mais de beaux spécimens d'1m50 environ, avec de quoi laisser un joli souvenir sur les mollets en cas de contact trop rapproché. Ces requins à pointes noires sont généralement abondants dans les récifs coralliens tropicaux de l'océan Indien et de l'océan Pacifique. Nous en avons croisé bien souvent en snorkeling en Malaisie ou en Indonésie, mais ceux-la semblaient beaucoup moins craintifs que leurs cousins asiatiques. Peut-être pouvaient-ils sentir que nous n'avions aucune intention de manger leurs ailerons ?


Il y avait beaucoup de requins et de poissons, mais aussi plusieurs raies pastenague qui planaient majestueusement en groupe, attendant les nourrissages.


Plusieurs sessions de nourrissage avaient lieux, attirant une multitude de requins, carangues, poissons de toutes les couleurs, raies, et aussi murènes. C’était un vrai spectacle, même si on peut se questionner sur les bienfaits de nourrir des animaux en liberté.


Cette murène n’était pas en reste, puisqu'après son nourrissage, elle eut droit à un lavage en profondeur de ses ouvertures branchiales par un petit poisson bleu-jaune. Il existe plus de 200 espèces de murènes, et celle-ci fait partie des plus grandes puisqu'il s'agit d'une murène javanaise (Gymnothorax javanicus) pouvant atteindre les 3m de longueur.


Dernière attraction, un petit bassin à part abritait un drôle de poisson difficile à percevoir. Le voyez-vous ? Pour plus de détails, rendez-vous dans le dernier articles sur les bonus.


Moorea a été l’ancien siège de la première mission catholique, installée en 1871. Mais c’est seulement en 1897 que l’église de la Sainte-Famille de Haapiti à Moorea est édifiée, grâce à des maçons pascuans. C’est une réplique de la cathédrale Saint-Michel des Gambier en corail. Sa silhouette avec ses deux clochers sur un fond de verdure et du pic montagneux du Mou’aroa, se retrouve sur de nombreuses photos de vacances et continue à inspirer de nombreux artistes-peintres.


Première partie du voyage en Polynésie terminée, direction l’île de Raiatea, que nous allions rallier en avion. Ces premiers jours dans ce paradis polynésien nous ont plu dans l'ensemble, même si en discutant avec les popa'as** résidant ici, on sentait que le quotidien n’était pas si idyllique que cela. Coût de la vie élevé, lenteur administrative, petits arrangements entre amis, un air de mentalité des îles semblait déjà coller à la peau de la Polynésie Française.

Terminons en musique avec un chef d’œuvre du plus français des chanteurs belges (non je ne parle pas de Johnny), avec la chanson Les Marquises (1977) du grand Jacques Brel, ayant élu résidence dans ces îles lointaines, et qui est sortie lors des derniers moments de sa vie. Prenez le temps de l’écouter, cette chanson est tout simplement magnifique, par ses paroles et par sa musique aussi.




* infrutescence : ensemble des fruits issus d'une même inflorescence. Les infrutescences sont considérés comme de faux fruits car ils constituent un agglomérat de vrais fruits uniques (un fruit par fleur). On trouve aussi l'appellation de fruit multiple. Exemple : l'ananas, la figue.
**popa'a : nom donné par les Tahitiens aux étrangers qui ne parlent pas tahitien (mais jamais un Blanc local) et, en pratique, ne parlant pas le français avec l'accent local, au minimum ne roulant pas les [r], sauf si une personne a sa famille originaire de Polynésie et un nom polynésien. Un Blanc métropolitain est forcément un popa'a. On peut distinguer un popa'a farani (français), un popa'a merite (américain) et un popa'a peretani (britannique). Popa'a signifie « roussi » en tahitien, car les premiers navigateurs européens qui arrivaient après des mois de mers étaient souvent brûlés par le soleil.

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